La maison sur le ruisseau, communément appelé Casa sobre el Arroyo ou encore Casa Del Puente, est née de l’envie d’Alberto Williams, un grand pianiste argentin, de se construire un lieu unique et paisible loin du tumulte de Buenos Aires. Un espace dans lequel il pourrait à la fois se reposer, recevoir, s’évader et surtout composer ses mélodies.
Il confie naturellement ce grand dessein à son fils Amancio Williams, fraîchement diplômé comme architecte. Celui-ci saisit l’opportunité d’imaginer, avec sa jeune épouse Delfina Galvez Williams, elle aussi architecte, un projet novateur, très affirmé, qui tranche avec les styles classiques et régionalistes de leur époque. Main dans la main, ils réalisent ce qui deviendra un des projets les plus emblématiques du mouvement moderne en Argentine.
Cette maison est aujourd’hui l’une des œuvres les plus marquantes de l’architecture moderne argentine.
Cependant, elle demeure dans un état de délabrement avancé suite à deux incendies et à son abandon progressif de 1989 à 2013. Une tragique situation pour ce témoin de l’influence du mouvement moderne en Argentine mais aussi pour ce qu’elle représente quant à l’ingéniosité de son concepteur.
La maison sur le ruisseau
Présenter cette maison nous tenait à cœur parce que Mathieu a réalisé son mémoire de fin d’études sur son concepteur, Amancio Williams, mais aussi parce que la visite de celle-ci nous a beaucoup touchés.
En arrivant sur les lieux, la maison est à peine perceptible. La végétation environnante ne laisse entrevoir qu’une partie de sa silhouette. Ce n’est qu’après avoir traversé la dense végétation que nous sommes saisis par ce massif bloc de béton rectangulaire reposant sur un très mince arc qui enjambe, ce qui fut autrefois, un ruisseau.
Le volume semble à la fois massif et léger, comme s’il était en suspension dans l’air et que son poids le retenait au sol. Son contact avec le terrain se fait uniquement à ses extrémités et les visiteurs que nous sommes comprennent alors que celles-ci sont, en plus d’être le support, les seuls accès possibles à l’étage supérieur.
La séquence d’entrée est déroutante, tant elle donne l’impression de pénétrer dans les entrailles structurelles de la maison. Il nous faut passer sous une des deux extrémités du volume en porte-à-faux pour nous introduire dans une massive colonne, creuse à l’intérieur, d’où débute un étroit escalier épousant la cambrure de l’arc. Cette séquence est répétée dans une symétrie parfaite permettant de parcourir l’arc de bout en bout. On arrive finalement au milieu du volume, dans un long salon baigné de lumière grâce à son ouverture à 180° sur la végétation environnante. On a réellement l’impression d’être perchés dans les arbres ; la limite entre intérieur et extérieur devient soudain floue.
Cette succession d’atmosphères, de contraction et de dilatation, rappelle l’ambivalence de la composition alliant massivité et légèreté.
On arrive finalement au milieu du volume, dans un long salon baigné de lumière grâce à son ouverture à 180° sur la végétation environnante. On a réellement l’impression d’être perchés dans les arbres et la limite entre intérieur et extérieur devient floue.
Un sentiment de désolation nous envahis en prenant conscience de l’état de délabrement de l’intérieur de la maison. Les plafonds et les sols portent en effet les stigmates des années d’abandon.
Après avoir été le havre de paix d’Alberto Williams, la maison sur le ruisseau devint une station de radio avant d’être délaissée et de subir deux incendies successifs.
Ce n’est que depuis 2013 qu’elle est déclarée monument historique et accessible au public en tant que musée. Une rénovation est depuis lors à l’étude mais les fonds nécessaires manquent cruellement.
La composition du plan est relativement simple. Il est organisé en bandes longitudinales : les espaces de jour sont séparés des espaces de nuit par un mur en bois faisant office d’armoire dans l’enfilade de chambres, et de plan de travail dans la cuisine. Ensuite, à une des extrémités du plan, se trouve la salle de musique qui est ainsi indépendante du long salon, tout en permettant une connexion grâce à la porte accordéon. Le salon, lui, libre de toute cloison est donc ouvert à 180° sur les houppiers des arbres.
Plan 0 et +1 de la maison sur le ruisseau
©Fond Amancio Williams, Centre Canadien d’Architecture. Don des enfants d’Amancio Williams.
La maison apparait comme une œuvre totale : un souci du détail est apporté à chaque élément.
Le mécanisme des stores et des fenêtres est dessiné sur mesure pour s’encastrer dans l’épaisseur du plafond. Les luminaires inspirés du design Bauhaus et les mains courantes courbées telle la cambrure de l’escalier sont des pièces uniques. Les rouages de la porte accordéon séparant la salle piano du salon sont pensés avec le plus grand soin pour rendre le déplacement aisé. Le feu ouvert en métal est comparable à « l’industrial design de la matrice européenne en vogue à cette époque. »
Photo d’époque _ vue du salon
On aperçoit sur la gauche la chaise BKF, communément appeler chaise papillon, conçu en Argentine en 1938 par les architectes Antonio Bonet, Juan Kurchan et Jorge Ferrari Hardoy.
©Fond Amancio Williams, Centre Canadien d’Architecture. Don des enfants d’Amancio Williams.
Photo d’époque _ Alberto Williams jouant du Piano
La porte en accordéon, ici ouverte, fut dessinée sur mesure par Amancio Williams. En la fermant, son père pouvait s’isoler du salon pour jouer de son instrument.
©Fond Amancio Williams, Centre Canadien d’Architecture. Don des enfants d’Amancio Williams.
Photo d’époque _ Le feu ouvert
©Fond Amancio Williams, Centre Canadien d’Architecture. Don des enfants d’Amancio Williams.
Photo d’époque _ Vue du salon
©Fond Amancio Williams, Centre Canadien d’Architecture. Don des enfants d’Amancio Williams.
Nous sortons aussi de cette visite émerveillés par la prouesse de ces deux jeunes architectes qui ne se sont pas contentés d’appliquer les fondements d’un style en plein essor, mais qui se les sont appropriés en innovant, tant au niveau de la structure que de la composition architecturale.
Nous prenons aussi conscience de l’importance de la préservation du patrimoine architectural car il s’agit ici d’une œuvre unique en son genre, témoin de l’influence et de l’appropriation du mouvement moderne hors de l’Europe, plus de 20 ans après sa naissance.
La maison est ouverte à la visite. Si vous passez par Mar Del Plata nous pouvons que vous conseiller de programmer une visite. Pas besoin de s’y prendre beaucoup à l’avance.
Il n’y a pas vraiment de site internet dédiée au musée. C’est via la page facebook (cliquer ici) que toutes les informations sont disponibles.
Amancio Williams
Architecte et penseur moderniste
Si les architectes sont généralement définis au travers de leurs constructions, il est tout aussi (voir plus) intéressant de se pencher sur leurs projets non réalisés. Dans le cas d’Amancio Williams, cette posture n’est pas difficile à prendre pour qui veut l’étudier car il n’a concrétisé que très peu de projets. Il laisse par ailleurs de nombreuses idées à l’état d’esquisses qu’il prend soin de méticuleusement classer tout au long de sa carrière.
Amancio Williams né en 1913 a grandi à Buenos Aires dans un milieu culturellement riche. Son père, Alberto Williams, est un pianiste et compositeur de musique classique reconnu, lui-même fils d’un musicien et homme politique. Il se passionne très tôt pour les nouvelles technologies, les sciences et l’art. Ces intérêts le conduisent vers des études d’ingénierie puis d’aviation, pour finalement étudier l’architecture en 1938 à l’Université de Buenos Aires.
A cette époque, les professeurs d’universités ne s’étaient pas encore affranchis des dogmes du style beaux-arts. Leur enseignement, très classique, est influencé par les écoles de Paris. Au même moment, la révolution architecturale qu’est le mouvement moderne, est déjà en marche. Les professeurs font donc de la résistance alors que l’enseignement des beaux-arts vit ses dernières heures.
Le jeune Amancio Williams n’est forcément pas indifférent à ce bouleversement idéologique lorsqu’il découvre hors des librairies académiques des revues au sujet de Le Corbusier. Il se complait alors dans l’étude des œuvres du grand architecte franco-suisse parallèlement à ses études.
Peu de temps après qu’il est diplômé, son père lui offre l’opportunité de réaliser son premier projet : la maison sur le ruisseau. Il se lance corps et âme dans la réalisation de celui-ci, accompagné de sa femme, Delfina, elle aussi architecte. Main dans la main, ils réalisent un des projets les plus emblématiques du mouvement moderne en Argentine.
Parents de huit enfants, Delfina s’écarte peu à peu des planches à dessin pour se consacrer à sa famille, permettant à Amancio, de continuer à développer ses idées modernistes. Bien que très peu de constructions voient le jour, les quelques projets qu’il mènera à terme (la bovéda cascara et les bureaux d’un laboratoire à Buenos Aires) sont toutefois intéressants et éminemment modernistes. Ils n’auront cependant jamais le même retentissement que la maison sur le ruisseau.
Amancio Williams à l’extrémité d’une boveda cascara construite pour le pavillon Bunge & Borne à Palermo (Buenos Aires 1966). Les deux boveda cascara réalisées à cette occasion sont l’unique concrétisation de ce modèle développé par Amancio Williams et réalisés de son vivant.
©Fond Amancio Williams, Centre Canadien d’Architecture. Don des enfants d’Amancio Williams.
Même si très peu de projets vont au-delà de l’esquisse papier, son atelier est un véritable laboratoire d’idées. Il développe avec ses collaborateurs de nombreuses réflexions sur l’urbanisme, les structures et l’habitat, et aussi sur le design et les nouveaux moyens de production.
Son travail ne laisse pas indifférent le maître du mouvement moderne, Le Corbusier. Ce dernier lui confie d’ailleurs la direction du chantier de la maison du Dr. Curutchet, son unique réalisation en Amérique. Nous avons également dédié un article à cette œuvre que tu peux lire ici. Les deux confrères continuent d’entretenir une relation amicale comme en témoignent leurs nombreux échanges épistolaires.
Bien que les idées révolutionnaires de l’architectes argentin puissent expliquer le peu de réalisations, il est aussi plausible que, malgré le haut niveau des détails présents dans chacune de ses propositions, il se complaisait à développer des concepts résolument utopistes et ainsi léguer aux générations futures des pistes de réflexions qu’ils pourront poursuivre et peut-être mener à bien.
Chronologie des oeuvres de Amancio Williams
@extrait du mémoire de fin d’étude de Mathieu Jaumain
Pour en savoir plus sur le travail d’Amancio Williams, une plateforme d’archive en ligne spécialement dédiée à ses œuvres regroupe une grande partie de ses dessins, photos, mais aussi correspondances.
https://www.amanciowilliams.com
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